Affaire charbon fin : Des avocats de la défense et de la partie civile donnent leur point de vue sur le contenu des cantines

Le lundi 09 octobre 2023, l’audience de l’affaire charbon fin opposant l’Etat burkinabè à la société IAMGOLD Essakane SA a repris au Tribunal de grande instance Ouaga 1. Cette journée, les débats ont porté sur les deux cantines contenant « les corps solides ». Les experts ont procédé à leur ouverture et les différentes parties ont fait des observations.

Contrairement aux « lingots d’or », c’est des blocs de terre compacte qui ont été trouvés à l’intérieur des cantines. Les experts ont souligné que certains échantillons de substances appelés « scories qui y ont été trouvés contiennent des grains d’or visibles à l’œil nu ».

Après la suspension de l’audience pour être reprise le 11 octobre 2023, les avocats des différentes parties ont accordé des interviews à la presse. Ils sont intervenus sur la demande de mesure conservatoire de la partie civile et les substances qui ont été trouvées dans les cantines.

D’abord, à la question de savoir pourquoi des cantines ne contenant pas de charbon fin se trouve parmi des cargaisons de charbon fin destinées à l’exportation, Me Prosper Farama réagit. « Du rapport d’expertise, il ressort que la teneur en or du charbon déjà expertisé est anormalement élevée, soit 13 fois au dessus de ce qui est admissible dans les normes, en termes de charbon fin. Maintenant ce qu’il reste à savoir c’est si les corps solides contiennent de l’or ou non, s’il y a d’autres matières et quelle est la composition ? », a-t-il indiqué.

Me Prosper Farama, conseil du REN-LAC, constitué auprès de la partie civile

En outre, il a ajouté que « Essakane semble dire qu’il s’agit de charbon fin et les experts semblent dire également qu’on peut trouver des résidus d’or dans ce charbon ». Pour lui, si la teneur de cet or est anormal, les débats permettront de comprendre si la quantité d’or retrouvée a été fait à dessein de fraude ou si c’est par défaillance technique ou par erreur de manipulation. Me Prosper Farama est avocat du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) qui est constitué auprès de la partie civile dans cette affaire.

Pour l’avocat de la défense, Me Moumouni Kopiho, « Essakane a demandé l’autorisation pour exporter le charbon fin et résidus. « On a dit que le charbon fin en question constitue les déchets de traitement de l’or avec ses résidus. Ce sont ces résidus qui ont formé ces blocs compactes. Si Essakane avait l’intention de frauder, il allait écraser ces blocs avant de les mettre dans les conteneurs (NDLR, cantines) », a pour sa part expliqué.

Le problème, a-t-il poursuivi, c’est la teneur en or. Est-ce qu’ils contiennent plus de teneur que ce que Essakane a déclaré ou c’est du charbon fin enrichi comme cela avait été soutenu ?

Ensuite, les parties se sont prononcés sur le contenu des cantines. Pour le parquet, il y avait des lingots d’or. Après ouverture, c’est des blocs de terre qui ont été trouvés. « Le rapport d’expertise dit clairement qu’il y a des blocs de matières solides et que sur certains de ces blocs, même à l’œil nu, on voit des cristaux d’or et pour certains blocs il apparaît que à vue de loupe, c’est incrusté d’or. Je ne sais pas dans quelle condition le procureur a parlé de lingot d’or. J’ai pas vu non plus dans le rapport là où cela était mentionné », a affirmé Me Prosper Farama.

Me Moumouni Kopiho, conseil de la défense

Pour l’avocat de la défense, Me Kopiho, il s’agit des lingots d’or du parquet. « Sinon c’est en séance publique qu’on a présenté le contenu des cantines. C’est des corps solides comme de manière unanime, les experts, Essakane et l’huissier ont pu le dire. C’est des blocs de terre qui ne sont ni des lingots d’or, ni de minerais naturels comme ça été dit. Donc contrairement à toutes les déclarations, aujourd’hui, la simple ouverture des cantines a déjà établi un mensonge », a-t-il laissé entendre avant d’ajouter qu’il a regarder les substances des deux cantines à l’œil nu mais il n’a pas vu d’or.

Enfin, les avocats ont donné leur point de vue sur la demande de saisie conservatoire des biens de Essakane et de Bolloré, formulée par la partie civile. Pour Me Farama, la saisie conservatoire n’intervient pas après une condamnation. « De mon point de vue, la saisie conservatoire n’intervient pas après une condamnation. Par essence même, la saisie conservatoire entend préserver les intérêts dans l’hypothèse où, ça ne joue pas sur la présomption d’innocence. Autant vous êtes présumé innocent, autant il est possible qu’on vous condamne. S’il advenait qu’on vous condamne, cela permettrait à l’Etat, constitué en partie civile, de pouvoir rentrer dans ses droits », s’est-il expliqué.

Quant à Me Kopiho, cette demande n’est pas fondée. « Non seulement ce n’est pas fondée et ça n’a pas de sens ni en droit ni en logique. Comme on l’a dit, le tribunal est incompétent pour faire des saisies. Il y a un principe de la présomption d’innocence qu’il faut tenir en compte. Si on effectue ces saisies, ça veut dire qu’on a déjà condamné Essakane », a-t-il répondu.

 

Issouf Tapsoba et Nabintou Ouattara (stagiaire)

Latribunedufaso.net

 

 

 

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