Affaire charbon fin d’Essakane : La montagne ne va-t-elle pas accoucher d’une fourmi ?

Ceci est une tribune de Wendyam Souleymane Kaboré. Il donne son avis sur le déroulement de l’affaire charbon fin qui oppose la société minière IAMGOLD Essakane SA à l’Etat burkinabè depuis des années.

Au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Ouaga I, le procès de l’affaire dite « charbon fin » reprenait le 20 juillet 2023 en audience du pôle économique et financier (ECOFI).

Le dossier a été renvoyé au rôle général afin de permettre sa reprogrammation lors d’une session spéciale. Cette requête de renvoi acceptée par le Tribunal fait suite à la demande des personnes poursuivies.

Il faudra attendre la rentrée judiciaire en octobre prochain pour la programmation de la reprise de ce procès. Après ces vacances judiciaires, une probable recomposition des chambres du tribunal avec l’arrivée de nouveaux juges pourrait impacter les délais dans le traitement judiciaire de ce dossier médiatico-judiciaire.

Le dossier dit charbon fin a été appelé pour la première fois à l’audience, le 07 août 2019 mais quatre années après le début du procès, cette affaire n’est pas encore jugée.

Elle promet de tirer encore en longueur quand on sait que les procédures judiciaires se hâtent lentement et que des voies de recours peuvent davantage prolonger l’extension des audiences.

Conseil de l’Etat burkinabè dans ce procès, le nouveau Ministre en charge de la justice, nommé dans le remaniement intervenu le 25 juin 2023, Me Edasso Rodrigue Bayala, est associé à Me André K. Ouédraogo dans le cabinet Société Civile Professionnelle d’avocats, SCPA TRUST WAY.

On remarquera lors de l’audience du 20 juillet dernier que Me Bayala s’est fait remplacer compte tenu de ses nouvelles fonctions.

En mai 2020, le tribunal a commis deux experts le physicien Moussa Gomina et le métallurgiste Joël Ilboudo à cette mission. Après un laboratoire français de Caen qui s’est révélé de capacité inadéquate pour les analyses de plus de deux mille (2000) échantillons, le tribunal autorisait les experts, en février 2021 à recourir à un laboratoire implanté au Ghana.

L’expertise indépendante qui devrait durer trois mois à partir de la prestation de serment des experts (22 juillet 2020) a pratiquement pris deux ans ! Le rapport de cette contre-expertise est remis, le 11 juillet 2022, aux différentes parties afin de recueillir leurs observations.

Il y a des corps solides qui n’ont pas été expertisés

Seulement, l’expertise qui a été ordonnée n’est pas encore bouclée. Il y a des corps solides et certains éléments qui n’ont pas été expertisés. Selon la défense de la mine, Essakane a déboursé plus d’un (01) milliard FCFA puisque l’expertise est à ses frais. Les trente-deux conteneurs immobilisés depuis près de cinq (05) ans coûtent aussi des frais pour la compagnie minière.

Tout ce qui est attendu par l’opinion publique est la manifestation de la vérité et cette vérité ne viendra que de la fonderie qui va traiter la cargaison des conteneurs de charbon fin saisis par la brigade nationale anti-fraude (BNAF), le 30 décembre 2018.

Le reste n’est que spéculation et estimation. Aucune conclusion n’a jusque-là démontré que la cargaison dissimulait des lingots d’or. La quantité d’or estimée par la mine Essakane dans les 495 tonnes de charbon fin contenues dans 640 sacs est de 304,273 kg d’or.

Les autres expertises ne sont aussi que des estimations qui ne relèveront que des écarts. En la matière, les quantités d’or obtenues à partir des analyses et l’or produit par la fonderie sont toujours différentes ; raison pour laquelle on fait appel à la réconciliation ou rapprochement pour être en phase avec la réalité. Le vrai chiffre viendra de la raffinerie qui traitera la marchandise.
Lors de la remise du rapport d’expertise, la presse rapportait déjà que selon une source judiciaire, « la teneur en or dans les échantillons de charbon fin or serait 13 fois supérieure à la norme » !

C’est quoi la norme en la matière ? Et en quoi cette teneur influence t’elle la quantité totale d’or contenu dans le charbon fin ? Connaitre la teneur de métal précieux et la quantité globale du matériau à traiter permet simplement d’estimer la quantité d’or contenu dans le stock.

La justice a rejeté le premier rapport d’analyse qui avait été retenu pour l’élaboration du dossier et qui a suscité des fantasmes sur plus de 300 milliards FCFA de fraude !

Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain !

Pourquoi un tel acharnement sur Essakane qui représente plus de 3000 employés et qui est la principale unité industrielle qui fait vivre sa zone hôte tant éprouvée par l’insécurité ? Le difficile contexte rend déjà compliqué l’approvisionnement de cette mine qui tourne au ralenti.

La mine engage des dépenses colossales pour sa sécurité, transporte tout son personnel par voie aérienne et affrète des vols humanitaires pour des membres des communautés locales qui font la navette entre leur localité et la capitale du pays.

Essakane a stocké du charbon fin pour le valoriser. En 2015 et en 2016 la mine a obtenu l’autorisation d’expédier le charbon fin au Canada pour récupérer l’or contenu. L’opération de 2018 est la troisième du genre.

Une société cotée en bourse et qui produit au Burkina en moyenne 10 tonnes d’or par an, prendra-t-elle le risque de salir sa réputation et de signer son arrêt de mort pour quelques kilogrammes d’or ? Dans cette affaire d’interprétation des textes, la montagne risque d’accoucher d’une fourmi.

La transaction engagée entre l’Etat et les parties accusées ne sera-t-elle une option qui préserve les intérêts de toutes les parties pour clore ce dossier ?

Wendyam Souleymane Kaboré
wendsoul@hotmail.com

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