Commercialisation de l’oignon : « En une année de vente seulement ta vie peut changer »

Le Burkina Faso est le 2ème pays exportateur de l’oignon après le Niger. A Bobo-Dioulasso, ils sont nombreux à se lancer dans la commercialisation de ce légume d’origine asiatique et s’en sortent bien. Constat au marché de fruits et légumes de Bobo-Dioulasso, ce 02 août 2023. 

Sous une fine pluie matinale, des tas d’oignon sont empilés dans des sacs entrain d’être embarqué  dans des camions vers d’autres destinations. De tous les produits maraîchers, l’oignon ou encore le « Djaba » en langue dioula est le plus produit et le plus exporté au Burkina Faso. Le pays produit environ 50.000 tonnes par an. Il est aussi le 2ème pays exportateur en destination des pays côtiers comme la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo. Souleymane, fait la commercialisation de l’oignon au marché de fruits et de légumes de Bobo-Dioulasso, depuis une dizaine d’année. Il s’approvisionne dans les localités comme Bama, Banzon, Kouka, Koudougou, Ouahigouya et Po. Il avoue que l’activité nourrit son homme. « J’ai commencé la vente de l’oignon en 2014 parce que je voulais être autonome financièrement », affirme-t-il. 

Souleymane est vendeur et exportateur d’oignon

Ce quinquagénaire dit engranger des bénéfices et arrive à subvenir aux besoins de sa famille. « Il y a des clients qui viennent acheter de l’oignon avec nous pour ensuite les acheminer vers d’autres destinations comme Korhogo, Abidjan. Nous leurs livrons le sac actuellement entre 34 000 F CFA et 35 000 FCFA. Je peux vendre 100 à 300 sacs mais pour le moment je ne suis pas en mesure de remplir un camion remorque parce qu’il n’y a pas en quantité ». 

Une exportation à risque

Des difficultés, Souleymane en rencontre au quotidien dans son activité au même titre que ses collègues. « Nous vivons d’énormes difficultés dans la commercialisation de l’oignon. Il nous arrive de donner des sacs d’oignons à crédits à des clients. Après vente, ces derniers ne nous remboursent pas. Ceux qui le font, le font à moitié », déplore-t-il. Et d’ajouter, « d’autres reviennent nous dire que la marchandise a pourri en cours de route et par ricochet ne peuvent pas payer la dette, chose qui ne nous arrange pas».  

Souleymane n’est pas seule à mener son activité. Il confie qu’il est aidé par deux autres personnes pour l’exportation de l’oignon. Une chaine de travaille qui marche bien. « Nous sommes trois à travailler ensemble. Un est au champ pour acheter, l’autre est allé en Côte d’Ivoire et moi je vends ici en attendant leur retour », explique-t-il. 

De l’oignon en plein chargement au marché des fruits et légumes de Bobo-Dioulasso pour la Côte d’Ivoire.

« Pendant l’exportation il peut avoir des pannes en route. Les contrôles douaniers aussi nous retardent souvent. Ce qui rend la conservation difficile. Etant donné que l’oignon est cru, ils finissent par pourrir dans les sacs », souligne Souleymane qui avoue aussi que l’activité comporte de gros risques. Un peu plus loin, nous rencontrons, Lassina, un vendeur de prêt à porter reconverti en exportateur d’oignon. Il exerce ce métier depuis 2007 en compagnie de son oncle. « Quand mon oncle est venu de la Côte d’Ivoire, il m’a proposé de m’allier à lui pour la commercialisation de l’oignon. Je n’est pas hésité un instant parce que j’étais en faillite dans la vente de prêt à porter », laisse-t-il entendre. A la question de savoir comment ils s’y prennent pour l’exportation de l’oignon, Lassina explique que « cette remorque (en indexant une remorque en chargement) par exemple est pour un groupe de sept personnes. Moi je peux avoir cent sacs, je les charge pour la Côte d’Ivoire. Pendant ce temps j’ai quelqu’un qui va les récupérer là-bas pour vendre, pour peu qu’on se mette d’accord sur un prix. Je peux lui donner le sac à 35 000 FCFA même s’il revend à un autre prix ce sont les 35 000FCFA qui me reviennent de droit ».

Commerce rentable

L’exportation de l’oignon est très délicate. Et selon notre interlocuteur, il faut avoir un homme honnête et digne de confiance pour éviter de se faire voler. « Souvent tu envoies cent sacs d’oignon en Côte d’Ivoire et celui qui est là-bas te dit que tout est pourrit, soit qu’il a donné la marchandise à crédit et que le débiteur n’a pas remboursé. Cela peut causer ta faillite », insiste- t-il. Autre difficulté que les vendeurs d’oignon rencontrent, selon Lassina, « c’est que tu peux acheter les oignons en brousse le temps que ça arrive à Bobo pour d’autres destinations tu trouves qu’il y en a qui sont gâtés ». « Tu es obligé de renverser, trier avant de les conditionner dans de nouveaux sacs. Dans çà tu peux perdre deux à quatre sacs », raconte t-il avant de renchérir que pendant la saison des pluies les vendeurs sont obligés de couvrir les produits avec des bâches. Parce que l’oignon n’aime pas l’eau mais s’il y a trop de chaleur aussi çà peut pourrir. Le camion aussi s’embourbe par moment dans les champs.  

De l’oignon en provenance du Niger entrain d’être déchargé au marché des fruits et légumes de Bobo-Dioulasso

La commercialisation de l’oignon rapporte gros. A en croire Lassina, l’activité est très rentable mais comporte également des risques. « Le bénéfice sur un sac peut varier de 10 000 à 12 500 FCFA. Si tu arrives à vendre 400 à 500 sacs c’est de l’argent. En une année de vente seulement ta vie peut changer positivement comme négativement si tu fais des pertes », assure Lassina. Dans peu de temps l’oignon du Burkina va finir, et Lassina compte importer du Niger, de l’Egypte, du Maroc et de la Hollande.    

Adama Ouattara, Correspondant

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