Assassinat de Thomas Sankara : L’ex-ministre de la Sécurité dévoile le rôle de la Côte d’Ivoire et de la France

Dans le box des témoins ce mercredi 24 novembre 2021, l’ex-ministre de la Sécurité, Ousséni Compaoré, commandant de la gendarmerie au moment de l’assassinat de Thomas Sankara et ses 12 compagnons, réfute la version selon laquelle le coup d’Etat du 15 octobre 1987, était un accident causé par des éléments isolés. Faisant partie de la hiérarchie militaire qui avait accès aux renseignements, l’officier militaire qui avait échappé de justesse à son assassinat, apporte les preuves que celui de Thomas Sankara a été minutieusement préparé, et que des chefs d’Etat étrangers, en l’occurrence, Houphouët Bouagni de la Côte d’Ivoire, ont apporté leur soutien à Blaise Compaoré.

Le capitaine Thomas Sankara, président du Faso de 1983 à 1987, savait que son N°2, Blaise Compaoré, préparait un attentat contre lui. Cette déclaration est du témoin Ousséni Compaoré. L’ex-ministre de la Sécurité, était au moment des évènements du 15 octobre 1987, le commandant de la gendarmerie, et faisait partie de la hiérarchie militaire qui avait accès aux renseignements. Pour prouver ce qu’il avance comme propos, il cite thomas Sankara : « si Blaise veut faire un coup d’Etat, ce serait imparable ». Pour lui, l’intention de Blaise Compaoré, ministre de la Justice au moment des faits, chef de corps du CENEC, unité chargée de la protection du président du Faso, et dont les éléments ont perpétré le coup d’Etat, de renverser le père de la révolution était prévisible.

De ses confidences, c’est Blaise Compaoré qui détenait tout le pouvoir sécuritaire. Commandant du CENEC, il était également commandant de région a indiqué le témoin. Il confie qu’il avait le soutien de certains chefs d’Etats étrangers en l’occurrence celui de la Côte d’Ivoire à l’époque, Houphouët Bouagni. Une preuve que l’ex-commandant de la gendarmerie apporte pour étayer ses propos, est la demande du président ivoirien à Jean-Claude Kamboulé. De ses affirmations, celui qu’il qualifie de politique était contre la révolution, et voulait sa fin. En contact avec le chef d’Etat ivoirien, ce dernier lui a demandé de sursoir à son coup, et que Blaise Compaoré allait s’en occuper. Le témoin rappel que, Jean-Claude Kamboulé n’aimait pas Thomas Sankara, ni moins Baise Compaoré.

Cependant, lui et le commandant du CENEC à l’époque ayant le même intérêt ; il était évident, qu’il y a eu des connexions pour éliminer le père de la révolution. « Lui voulait la fin de la révolution, et Blaise voulait le pouvoir » a soutenu le témoin. Les dés étant jetés, c’est comment l’assassiné qui était le problème. Selon l’officier gendarme à la retraite, au regard de comment Thomas Sankara était perçu par les Burkinabè, ses bourreaux s’avaient qu’ils ne pouvaient pas l’arrêter pour le mettre en prison ; « la population ne l’aurait pas accepté », a-t-il indiqué. « Il est évident que son assassinat était la seule issue » a affirmé le témoin.

Thomas Sankara ne cache rien à Blaise Compaoré

Pour Ousséni Compaoré donc, le coup d’Etat du 15 octobre, n’était pas un acte fortuit perpétré par des éléments isolés comme certains ont voulu le faire croire. Il estime qu’il a été minutieusement préparé, et que Thomas Sankara était au courant. Dans ses explications, le fonctionnaire des Nations unies à la retraite, souligne que le N°1 du CNR, avait dit à son N°2 qu’il était au courant de ses plans avec les chefs d’Etats étrangers. Ce dernier si on s’en tient à ses dires, l’a appelé pour savoir si c’était lui qui a mis Thomas Sankara au parfum de cette information ; et il a répondu par l’affirmatif. « La communication avec Blaise s’est arrêtée là » a soutenu le témoin. Pour toujours montrer que le coup a été soigneusement préparé, il rappelle que dans la foulée de l’assassinat de Thomas Sankara, des officiers militaires qui lui étaient fidèles, ont été aussi assassinés. Certains l’ont été quelques jours plus tard a-t-il souligné.

Un autre point relevé par l’ex-commandant de la gendarmerie, est un témoignage que lui a fait Thomas Sankara. Il raconte que celui-ci, alors qu’il s’apprêtait à voyager, rangeait ses documents. A la question de savoir pourquoi ? Il lui répond, que plusieurs fois en son absence, Blaise Compaoré prétextant des audiences, vient fouiller dans ses documents. Un autre rappelle fait par le témoin est que le coup a été perpétré par des éléments d’un même corps qui était sous le commandement de Blaise Compaoré.

Qui a trahi Thomas Sankara ? A cette interrogation de l’avocat des parties civiles, Me Gui Hervé Kam, Ousséni Compaoré pense que c’est l’un des gardes rapprochés du président qui l’a trahi. Il affirme l’avoir appris de l’aide de camp de ce dernier, le lieutenant Etienne Zongo.

Quel était le rôle de la France dans les évènements ?

Depuis le début du procès, le rôle de la France dans le coup d’Etat est revenu à plusieurs reprises ; notamment avec la table des écoutes. Ousséni Compaoré assure que c’est en détention qu’il a appris via les informations que des français se sont rendus à la gendarmerie pour inspecter la table d’écoute. Cela n’est pas normal que des agents étrangers viennent fouiller des documents du Burkina a indiqué le témoin. Son analyse est que ces derniers sont intéressés par la politique du Burkina. « Des français qui viennent fouiller dans les documents de l’Etat burkinabè, est un aveu de l’ingérence de l’Etat français dans la politique du Burkina », a-t-il conclu. Concernant les documents déclassifiés par l’Etat français, qui ont été mis à la disposition de la Chambre qui juge, il pense que la France n’a transmis que des documents qui ne lui sont pas préjudiciables.

Julien Sawadogo

Latribunedufaso.net

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