Entreprenariat :  « Nous voulons donner la chance à tous les burkinabè de bénéficier de ce fonds », Wendpanga Bruno Compaoré, DG du FBDES

Juriste privatiste de formation, Inspecteur du Trésor de profession, Wendpanga Bruno Compaoré, occupe les fonctions de Directeur général du Fonds burkinabè de développement économique et social (FBDES) depuis sa nomination au Conseil des ministres du 6 juin 2019. Avec un parcours atypique qui l’a conduit à quitter son Yako natal pour la ville de Koudougou, où il obtint son baccalauréat série D, il est orienté à l’université de Ouagadougou en faculté de droit. Avec au sortir une maitrise en droit judicaire privé. De la vente des timbres à Tenkodogo, en passant par le Secrétariat permanent pour le suivi des politiques et programmes financiers (SP-PPF), la Direction générale de la Coopération (DGCOOP), sans oublier la lucarne du côté de la diplomatie comme directeur de l’Information et de la promotion économique de Burkinabè de l’étranger, c’est un homme à la tête pleine (au moins 5 masters dont un en intelligence financière, des certification et un doctorat en gestion en cours) qui nous retrace son parcours. Lisez !

 Latribunedufaso.net : Est-ce que vous pouvez nous résumer votre parcours.

J’ai eu un parcours un peu atypique. J’ai fait l’école primaire à Yako, ainsi que le secondaire au lycée provincial de Yako. Par la suite je suis allé à Koudougou  et c’est dans cette ville que j’ai obtenu mon baccalauréat série scientifique D. Par la suite j’ai été orienté à l’université de Ouagadougou en faculté de droit, dont je suis sorti avec une maîtrise en droit judiciaire privé. Tout naturellement comme tout jeune qui venait de sortir de l’université, je me suis mis à la recherche d’un emploi. J’ai eu la grâce d’avoir la même année trois (3) concours, deux (2) en admissibilité et un en direct. J’ai opté  de faire carrière dans l’administration financière et c’est ce qui m’a conduit à l’Ecole nationale des régies financières (ENAREF). D’où je suis sorti comme Inspecteur du Trésor.

Après l’école professionnelle, vous êtes face aux réalités de l’administration sur le terrain. Le début était difficile ?

Lorsque j’ai quitté l’école de formation, j’ai demandé à aller en province. C’est ainsi que j’ai été affecté à Tenkodogo, à la trésorerie régionale du Centre-Est. Ce qu’il faut avoir comme posture, c’est d’abord l’humilité pour moi. Il est fondamental que lorsqu’on arrive dans un domaine d’activité après sa formation, que l’on accepte apprendre le travail. C’est l’occasion ici pour moi de remercier tous ceux qui étaient mes responsables à mes débuts et qui ont facilité mon apprentissage. Il s’agit de monsieur Harouna Ouédraogo, Adolph Ouoba. Ce sont ces hommes qui ont guidé mes premiers pas dans l’administration.

Il est évident que dès que vous arrivez dans l’administration avec vos diplômes, même si vous êtes cadre, l’essentiel est de se rendre disponible pour apprendre. Je n’ai pas eu un problème fondamental à ce niveau. J’avais des objectifs, donc je me suis mis à la tâche pour apprendre auprès des anciens. Par exemple à Tenkodogo, bien qu’étant un cadre A, je suis descendu vendre les timbres avec les agents communaux au niveau des guichets. Je profite saluer une grande dame, Sophie Balima, agent communal qui vendait les timbres, auprès de qui j’ai beaucoup appris lors de mon passage à Tenkodogo. C’est grâce à toutes ces personnes que je n’ai pas eu de difficultés à mes débuts.

Vous parlez d’humilité. Est-ce à dire que les jeunes de maintenant ne le sont pas ? Y a-t-il un conflit générationnel dans l’administration ?

Personnellement, je ne crois pas à ces conflits de générations entre anciens et jeunes. Peut-être que certains jeunes voient en ces anciens qui sont nos aînés, nos papa et mamans des gens qui sont dépassés. Lorsque l’on arrive dans un corps de métier, il faut avoir la bonne approche, il faut avoir de l’humilité et de la patience. Je crois que ce qui manque aujourd’hui à nos petits frères, c’est la patience et l’humilité. Quand on est patient on ne dira pas qu’il est temps de prendre la place de telle ou telle personne âgée, parce qu’ils sont vieux. Là n’est pas la question. Ces personnes qui nous ont devancés dans le travail, c’est une bénédiction pour nous. Ils ont affronté des choses que nous n’avons pas connues et la chance de les trouver dans ces emplois est une occasion en or d’apprendre avec eux. Donc je ne vois pas cette affaire de conflit générationnel

Quel est votre quotidien depuis que vous êtes à la tête de la FBDES ?

La fonction que l’on occupe ne doit pas changer notre manière de vivre. Du reste, je n’ai pas changé d’amis, ni de manière de vivre. Au tour de moi, vous n’allez pas seulement voir des amis DG ou des autorités. J’ai gardé mes amis et je m’en suis fait d’autres. A mon avis on ne doit pas changer de cadre de vie parce que l’on occupe une quelconque fonction. De toutes les façons, les fonctions passent, mais les relations humaines demeurent avec les autres. Naturellement, j’aime beaucoup lire. Je suis beaucoup famille. Je prends le temps d’être avec mon épouse et mes enfants lorsque je ne suis pas au bureau.

Au-delà de cela je m’implique beaucoup dans les activités sociales et je rends visite dès que possible aux parents et aux amis au village. J’aime le football également mais à cause du travail ce n’est que le week-end que j’en profite pour suivre les matchs à la télévision. En semaine je passe le maximum de temps au bureau parce que j’ai horreur de rentrer chez moi et laisser le travail entassé sur ma table. Je prends le temps de traiter tous les dossiers avant de rentrer.

Quels sont les retours que vous avez par rapport à la manière de gérer et d’administrer le fonds ?

Si je dois répondre à cette question, je risque de tomber dans l’autosatisfaction. A mon avis, cette question devrait être posée aux différents promoteurs et bénéficières du fonds. Ce que je sais est que depuis mon arrivé au FBDES, j’ai créé une dynamique pour permettre aux promoteurs d’avoir une accessibilité à toutes les informations concernant le Fonds. En plus de cela, dès ma prise de fonction, la première des choses, j’ai supprimé les rendez-vous pour les audiences. Il n’y a pas quelqu’un qui va venir écrire une demande pour une audience avec le Directeur général. Si je suis à Ouagadougou et au bureau, je reçois individuellement tout le monde. J’écoute, je donne des conseils aux différents promoteurs.

Pour le reste je pense que votre média qui est très sérieux peut prendre la liste des bénéficiaires et ainsi vérifier avec eux si nous faisons notre travail. Cela même va d’ailleurs nous permettre de prendre en compte les critiques négatives afin de nous améliorer. Je ne suis pas de ceux-là qui pensent que l’on doit tout le temps dire que c’est bon.

Après des années de fonctionnement, le fonds amorce un nouveau virage avec des reformes. A quoi répond cette transformation ?

Toute cette transformation a une chronologie. Si vous regardez le programme présidentiel sur lequel le chef de l’Etat  a battu campagne, il est inscrit clairement, si ma mémoire est bonne à la page 49, la transformation du FDBES en fond d’investissement stratégique. C’est pour vous dire que c’est vraiment une vision politique de haut niveau. Ensuite, cette vision va être portée par monsieur le ministre de l’Economie des finances et du développement, Lassané Kaboré, qui nous a instruit avec des orientations très claires de matérialiser cette vision du chef de l’Etat. C’est ainsi qu’un groupe de travail a été mis en place. Je tiens à préciser que cette vision a été réaffirmée après les élections dès la première Déclaration de politique générale son Excellence monsieur le Premier ministre Christophe Dabiré, devant l’Assemblée nationale.

Du reste, cette transformation, beaucoup de gens s’attendaient à ce que l’on prenne toute l’année 2021 pour le faire. Pas du tout. Par le dynamisme de l’équipe qui a été mise en place et surtout du fait de la pression mise par le ministre de l’Economie, nous avons pu aboutir à l’élaboration des textes de cette réforme qui constituent les statuts particuliers du Fonds qui ont été adoptés le 30 juillet 2021 en Conseil des ministres. Cela traduit donc la matérialisation de la vision du Chef de l’Etat, du Premier ministre et de l’ensemble de son gouvernement et surtout la rigueur au travail du ministre Lassané Kaboré.

Ce qui a prévalu à cette transformation est que les autorités veulent voir au FBDES un instrument privilégié pour bien accompagner le secteur privé. Depuis sa création en 1975, le fonds a connu plusieurs réformes. La dernière date de 2015 pendant la transition. Cette fois-ci, il s’agit de permettre au fonds d’être le bras financier par excellence pour accompagner le Plan national de développement économique et social (PNDES II). Cela avec des programmes très structurants et des programmes de financement bien clair qui peuvent apporter un plus au développement économique et social surtout concernant l’axe 4 du PNDES II.

Est-ce qu’il n’y a pas de crainte que cette réforme laisse sur le bas-côté certains potentiels bénéficiaires ?

Je trouve que le mot crainte est fort. Les interventions des fonds de financement s’entourent toujours de garanties. Vous savez au FBDES, les garanties ne sont pas aussi corsées comme dans les banques.  Il est évident que le fonds est un instrument de développement et comme ce sont des deniers publics, il faut s’entourer des règles de gestion et s’assurer qu’il y a de l’équité dans l’octroi des crédits. Laquelle équité nous essayons tant bien que mal d’apporter. La transparence est de mise. Si vous regarder les différents programmes, que ce soit Agrinova, Burkina Startups, nous avons intégré la société civile comme le Réseau national de lutte anti corruption (REN-LAC). Le comité d’expert est aussi indépendant.

Nous voulons donner la chance à tous les burkinabè de bénéficier de ce fonds. Avec cette réforme, ce qui est important qu’il faut souligner ici est que le fonds va avoir deux capitaux. Le capital-risque et le capital investissement. Pour le capital-risque, nous allons prendre plus de risques pour les projets structurant, pour peu que les autorités qui ont eu la vision de cette réforme donnent l’autorisation. Nous sommes des opérationnels et nous allons voir quel projet est très structurant et très innovant. En ce moment nous allons prendre plus de risques et la garantie fondamentale sera le promoteur du projet.

Nous pensons que quelqu’un qui a tout ce que l’on appelle l’apport industriel, tout l’intellect, qui a toute la capacité de transférer toute la technologie à travers la mise en place d’unités industrielles cohérente avec le PNDES II, il va de soi que nous prenons plus de risques. En ce moment, les garanties seront les prises de participations au portage (ndr : en droit des sociétés, la convention de portage est celle par laquelle un donneur d’ordre remet des titres de société à un porteur, sous la condition que ce dernier s’engage à les revendre à une époque et dans des conditions prévues) et les cautions solidaire (ndr : la caution solidaire est une sûreté personnelle permettant d’apporter la garantie de l’exécution d’un contrat par une tierce-personne).

Par contre, pour ce qui est du capital investissement, nous mettons l’accent sur des garanties physiques. Les garanties physiques sont les garanties hypothécaires, les gages sur le matériel d’exploitation. Parce que là ce sont des investissements lourds et ce n’est pas la personne seulement qu’il faut voir. Il faut s’entourer de garantie parce que les montants qui sont engagés sont colossaux et par conséquent, il est difficile, sinon inconcevable pour l’opinion nationale que l’on donne 2 à 3 milliards FCFA à des individus sans s’entourer de garantie. Vous verrez que les gens vont mettre la notion politique, la notion de famille en avant si nous ne nous entourons pas de garanties.

Entretien réalisé par Marcus Kouaman

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