Procès du Charbon fin d’Essakane : L’Etat veut-il ‘’liquider’’ la société minière ?

L’affaire de tentative d’exportation frauduleux du charbon fin de IAMGOLD Essakane SA était devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou ce mercredi 18 décembre 2019. Les débats du jour ont tourné d’une requête de l’Etat pour la saisie conservatoire des biens de l’entreprise minière. Les avocats de la mine y voient une volonté manifeste de liquider Essakane. 

Renvoyé à plusieurs reprise, le procès de l’affaire dit « charbon fin » a repris devant le TGI de Ouagadougou le mardi 17 décembre 2019. Dès le début de l’audience, les avocats de la société minière ont demandé l’annulation de la réquisition des experts. A la repise de l’audience cet après-midi du mercredi 18 décembre 2019, les avocats qui défendent les intérêts de l’Etat à ce procès ont demandé au Tribunal de prendre des mesures conservatoires en procédant à une saisie des biens de la mine d’or Essakane. Cela pour permettre l’exécution de la décision a l’issue du procès en cas de condamnation.

Pour Me Edasso Bayala, un des avocats de l’Etat burkinabè, cette requête vise à garantir les droits de la société. « Nous savons que tout le temps que ce procès va durer, IAMGOLD Essakane étant une personne morale peut à tout moment disparaitre et nous allons nous retrouver à la fin avec une décision qui ne sert à rien en cas de condamnation et qui n’est pas efficace pour protéger les intérêts de l’Etat burkinabè » a-t-il indiqué. Le montant demandé est de 450 milliards FCFA (les avoirs de la mine, l’or produit et à produire) à titre d’évaluation provisoire des amendes et des confiscations. Sans compter des dommages et intérêt et des amendes fiscales à venir en cas de condamnation.

Me Moumouny Kopiho, avocat de la société minière

Les avocats de la mine trouvent illogique cette requête et demandent au Tribunal de se déclarer incompétent. Pour Me Moumouny Kopiho, un des avocats de la société minière, l’Etat n’a pas introduit une requête pour des mesures conservatoire mais a intitulé cela « requête à fin de saisie conservatoire qui est une saisie règlementée ». Selon l’avocat ce genre de saisie ne relève pas de la compétence de la juridiction pénale. Mais est plutôt régie par le droit OHADA. Si toutefois les avocats de défens supposent que le tribunal est compétent, le juge ne peut fonder sa décision sur les montants mentionnés dans la requête. Tout simplement parce que ce sont les mêmes montant qui sont mentionnés dans l’expertise contestée. Surtout que le juge ne s’est pas encore prononcé sur le fait d’écarter l’expertise ou pas de la procédure.

« Ce procès personne ne sait pendant combien de temps on le mènera et surtout après on ne sait pas dans quel état on va retrouver la mine », a confié Me Prospère Farama avocat du Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC) qui est constitué partie civile à ce procès. Pour lui cette requête est nécessaire pour ne pas courir le risque qu’à l’issue du procès Essakane soit insolvable ou prenne le temps d’organiser son insolvabilité en cas de condamnation. A la question de savoir pourquoi c’est maintenant qu’une telle demande est introduite alors que l’affaire a débuté depuis bientôt un an ? L’avocat est d’avis que cela aurait dû se faire dès l’étape préliminaire d’enquête. « Mais est-ce qu’à ce stade-là, cela est trop tard ? Ce qui aurait pu être fait avant pourquoi cela ne pourrait pas se faire maintenant. Je comprendrai peut-être que l’on me dise que ce qui devrait se faire après ne peut pas se faire maintenant. Surtout qu’il n’est jamais tard pour bien faire » a -t-il conclu.

Me Prospère Farama, avocat du REN-LAC

Foi de Me Kopiho, l’Etat ne peut pas venir tirer des éléments de leur rapport d’expertise contestée et prendre des mesures conservatoires. Tout comme ses codéfendeurs l’avocat de la mine s’insurge sur le fait que l’on veuille à tout prix liquider IAM Gold Essakane. « A chaque fois que l’on parle, on essaye de mettre en exergue le peuple alors que la loi burkinabè, la constitution garantie à chaque citoyen, même s’il n’est pas burkinabè lorsqu’il doit être jugé de bénéficier de la présomption d’innocence », a-t-il souligné. Il a regretté le fait d’assister depuis un an maintenant au lynchage public et médiatique de son client, sans pour autant tenir compte de sa présomption d’innocence.

Le procès a été suspendu et reprend le 14 janvier 2020 avec le délibéré du Tribunal sur les exceptions soulevées par les avocats de la mine (annulation de la réquisition des experts, les prestations de serment). Ainsi que la requête de saisie des biens de la mine introduite par les avocats de l’Etat à titre conservatoire.

Marcus Kouaman

latribunedufaso.net

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