Festival Ciné droit libre : Des échanges pour une démocratie adaptée aux réalités de nos pays

Depuis le samedi 04 décembre 2021, la 16e édition du festival Ciné droit libre a ouvert ses portes au Burkina Faso, sous le thème : « Quels futurs pour nos enfants ? ». Plusieurs activités sont au rendez-vous, notamment des projections cinématographiques, des masters class, un forum des enfants, un concours oratoire et des dialogues démocratiques. C’est ainsi que le 1er dialogue démocratique s’est tenu ce lundi 6 décembre 2021 à Ouagadougou.

« Quelle démocratie pour nos enfants ? », c’est autour de ce thème que les échanges ont été menés à l’occasion du 1er dialogue démocratique de l’édition 2021 du festival de promotion des films sur les droits humains et la liberté d’expression. Il s’est agi pour les différents participants de discuter sur la démocratie burkinabè et le système démocratique de façon générale, afin de voir quelle démocratie les générations actuelles devraient construire pour celles à venir. Pour faciliter les échanges, trois (3) panelistes ont donné leur lecture du thème. Il s’agit entre autres de Cheikh Tidiane Gadio, homme politique influent de nationalité sénégalaise ; de Rasablga Ouédraogo, économiste, enseignant chercheur ; et de Laurent Bigot, journaliste et maitre de conférences en sciences de l’information et de la communication.

De ces échanges, il ressort que la démocratie en Afrique de façon générale et au pays des Hommes intègres en particulier, est « en panne », car ne tenant pas compte de nos réalités. En effet, les intervenants estiment que les pays africains ont transféré la démocratie à l’occidental pour l’appliquer dans leur contexte, qui n’est pas le même que celui de l’Occident. « La démocratie est une inspiration universelle, mais ses modalités sont différentes, pour dire qu’on ne peut pas parler de la même démocratie au Burkina Faso, en Chine, en Inde, aux Etats-Unis, en France, etc. Ce n’est pas la même chose, il ne s’agit pas des mêmes territoires, ni des mêmes histoires, ou cultures. Donc les modalités ne peuvent pas être les mêmes », a indiqué Laurent Bigot.

Nous assistons donc à une crise démocratique qui s’expliquerait par un certain nombre d’éléments selon Rasablga Ouédraogo. « La démocratie est en crise dans le monde et en Afrique, parce que dans nos sociétés dites de démocratie, il existe plusieurs dérives ou divorces. Il s’agit du divorce entre l’éthique démocratique (les vertus, les valeurs de la démocratie) d’une part et d’autre part l’argent. Dans la pratique, l’argent est devenu le maitre du jeu, dans la sélection même des dirigeants. On peut parler aussi du divorce entre les peuples d’une part et d’autre part les élites (les dirigeants y compris toutes les autres élites universitaires, culturelles, intellectuelles, artistiques etc.) ; du divorce entre les villes et les campagnes (par exemple en ville on ne consomme pas ce que nos paysans produisent. Par conséquent, notre pouvoir d’achat n’alimente pas le développement rural) ; sans oublier le divorce entre les besoins socio-économiques de la population et la procédure démocratique, lequel divorce est caractérisé surtout par la présence de bulletins de vôte dans nos pays, mais d’absence d’impôts », a-t-il expliqué.

Heureusement, les Etats africains peuvent encore s’en sortir, avec une démocratie juste et adaptée à leurs réalités. « Si la démocratie est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, alors la démocratie n’est pas négociable », a confié Cheikh Tidiane Gadio, avant que Laurent Bigot ne soutienne : « La démocratie n’appartient pas à l’Occident. Elle appartient à ceux ou celles qui veulent la faire vivre. Il revient à chacun des territoires africains de s’approprier, voire d’inventer sa propre démocratie. J’exhorte ces territoires à s’émanciper de l’Occident en matière de démocratie. Il faut tout recommencer et ne plus tenter de transcrire ce qui s’est fait en Occident. Le modèle démocratique de l’Occident peut être une source d’inspiration, mais il ne doit pas être la norme de référence. C’est à vous de bâtir votre propre modèle ; la force vient de vous, elle est en vous et en plus vous avez la chance d’avoir une population majoritairement jeune ».

Par la même occasion, Rasablga Ouédraogo a invité les uns et les autres à s’engager pour qu’ensemble, on puisse bâtir des nations économiques africaines, en tenant compte de trois (3) directions majeures. D’abord, la direction verticale qui renvoie à l’encrage dans l’histoire, pour s’appuyer sur le passé et construire l’avenir. Ensuite, il y a la direction horizontale, qui est celle de la géographie, du panafricanisme, celle de l’organisation de l’espace le plus pertinent pour organiser le développement économique, « celle de la rencontre des différences pour la fortification de l’ensemble ». Enfin, il a été question de la direction oblique qui renvoie à celle des élites (le fait pour tous les acteurs d’assumer leurs responsabilités et d’arrêter d’accuser les autres). « Ce que je veux vous dire à travers ces directives indiquées par Joseph Ki Zerbo, c’est d’empoigner notre destin et de faire comme Thomas Sankara l’a dit : osons inventer l’avenir, un avenir démocratique chez nous ici et maintenant », a-t-il conclu.

A noter que le 2e dialogue démocratique de ce festival se tiendra ce jeudi 09 décembre 2021 à Ouagadougou, sous le thème : « Quels futurs pour nos enfants ? », avec la participation de Alkassoum Maїga, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation ; de Stanislas Ouaro, ministre de l’éducation nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues ; et de Youn Sanfo, expert en sécurité informatique.

Alizèta Zouré

Latribunedufaso.net

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