Réunis à Ouagadougou ce 1er novembre 2025, chercheurs, diplomates et membres de la diaspora africaine ont échangé sur les « crimes économiques déterminants » depuis la Conférence de Berlin jusqu’aux formes actuelles du néocolonialisme. Animé par l’historien Serge Noël Ouédraogo, le panel organisé par le Ministère des Affaires étrangères a mis en lumière les mécanismes historiques de la domination économique et les pistes pour une véritable souveraineté africaine.
Le Ministère en charge des Affaires étrangères a organisé, ce 1er novembre 2025 à Ouagadougou, un panel sur le thème « Les crimes économiques déterminants : la Conférence de Berlin et le néocolonialisme ». Cette rencontre s’inscrit dans le cadre de la visite de la diaspora africaine et des afro-descendants au Burkina Faso.
La communication principale a été assurée par Serge Noël Ouédraogo, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Joseph Ki-Zerbo. Devant un auditoire, l’historien a revisité les fondements économiques de la colonisation et leurs prolongements dans les mécanismes actuels du néocolonialisme.
De la Conférence de Berlin à la domination économique
Dans son intervention, Serge Noël Ouédraogo a rappelé que la Conférence de Berlin (1884-1885) avait essentiellement visé à réguler le partage du continent africain entre puissances coloniales européennes.

Selon lui, « les terres africaines ont été considérées comme vacantes, ce qui a servi de prétexte à leur appropriation et à la mise en place d’une domination économique, politique et démographique ».
Cette domination s’est traduite, a-t-il expliqué, par « l’exploitation systématique des richesses du sol et du sous-sol africain », mais aussi par l’utilisation de la main-d’œuvre locale. Il a cité le cas du territoire de l’actuel Burkina Faso, « qui, faute de richesses minières importantes, fut exploité pour son capital humain ».
Toujours pour illustrer cette domination, il a évoqué la culture obligatoire du coton imposée dès 1924, la fixation unilatérale des prix agricoles, et la construction des lignes ferroviaires orientées vers les ports pour faciliter l’exportation des matières premières vers la métropole.
Ces schémas économiques, selon lui, ont laissé aux jeunes États africains un handicap structurel difficile à surmonter.

Du colonialisme au néocolonialisme : une domination qui change de visage
Le conférencier a souligné que l’indépendance politique des années 1960 n’a pas mis fin à cette logique d’exploitation.
« Les indépendances ont souvent été plus nominales que réelles. Certains dirigeants, par faiblesse ou par contrainte, ont continué à servir les intérêts de l’ancien colonisateur plutôt que ceux de leurs peuples », a-t-il déclaré.
Vers un réveil des consciences africaines
Aujourd’hui, la domination coloniale a pris une forme « plus subtile », estime l’historien, évoquant « des mécanismes économiques et diplomatiques qui continuent de servir des intérêts extérieurs ».
Cependant, il se dit optimiste. « On assiste à un éveil de conscience dans plusieurs pays africains, à travers des décisions courageuses visant à restaurer la souveraineté économique », a t-il signifié.
M. Ouédraogo a notamment salué les réformes entreprises dans certains États de l’Alliance des États du Sahel (AES), citant la remise en cause des accords de non-double imposition entreprise par le Burkina Faso. Selon lui, cela permettrait, de générer davantage de ressources fiscales nationales.
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Un appel à la souveraineté et à la responsabilité
En conclusion, le chercheur a invité les Africains à « mettre en avant leurs propres intérêts dans tous les partenariats » et à privilégier le modèle du gagnant-gagnant plutôt que celui du gagnant-perdant.
« L’Afrique, riche de ses hommes et de ses ressources, doit émerger économiquement comme un continent fort », a-t-il martelé.
Rosana Astride KIENDREBEOGO
Latribunedufaso.net
